Ponto da situação sobre o caos europeu e sua presente impotência. Análise pertinente de Elie Cohen (directeur de recherche au CNRS), no site da Telos.
La réforme européenne attendra
Elie Cohen | Telos
| March 26, 2018
À nouveau l’horizon
s’assombrit, la grande reforme de l’Union portée par Emmanuel Macron attendra.
Une coalition allemande épuisée par des négociations interminables et où le
souffle européen vient à manquer. Des élus italiens eurosceptiques qui ont
certes renoncé à la sortie de l’euro mais alignent des propositions
inflammables pour l’Union comme le revenu universel ou la monnaie fiscale. Une
initiative de huit pays du Nord emmenés par les Pays-Bas fondée sur une
souveraineté fiscale nationale réaffirmée, le refus de toute union de
transferts, la baisse du budget européen, le rejet des propositions Macron et
l’éloge de l’inter-gouvernementalisme. Il n’y aura pas dans ces conditions de
plan de relance franco-allemand en mars et les ambitions pour juin sont revues
à la baisse.
Merkel em quarto mandato sob o signo da instabilidade interna...
Les propositions officielles
Sur la table des négociateurs,
à côté des propositions Macron de création d’une autorité politique, budgétaire
et financière de l’euro, figurent donc aujourd’hui les propositions de la
Commission qui tournent autour de la communautarisation des politiques de
relance de l’euro (ligne budgétaire UE et non budget eurozone, politiques
décidées à 28 et non à 19, maintien des prérogatives du Parlement Européen…),
celles de nos partenaires allemands sur la transformation de l’ESM en Fonds
monétaire européen, et la restructuration des dettes souveraines des pays les
plus endettés et enfin celles du veto club mené par les Néerlandais.
Quand la confusion s’installe,
il n’est pas inutile de revenir à l’essentiel. Les autorités européennes
(Conseil et BCE) ont été capables à la faveur de la crise d’inventer l’ESM,
l’Union Bancaire et le Quantitative Easing. La Commission, quant à elle, a
pratiqué une gestion politique du Pacte de Stabilité et de Croissance modulant
la règle du déficit en fonction des engagements pris et du contexte politique
domestique. C’est à cette aune qu’il convient d’apprécier les mesures qu’à
froid certains proposent de prendre.
La première mesure suggérée
par les autorités allemandes consiste à mettre en place pour les pays en
difficulté un dispositif obligatoire de restructuration de la dette. L’idée
forgée à l’occasion des différents plans grecs est qu’il ne sert à rien de
prêter à flux continus à un pays plongé dans une récession car cela ne peut
qu’accroître le poids de sa dette. Les auteurs de cette proposition feignent
d’ignorer qu’une telle mesure appauvrirait les détenteurs domestiques de dettes
souveraines, ruinerait les banques et fonds de pension domestiques et feraient
fuir les investisseurs étrangers. Exactement le mécanisme auquel on a assisté
après le fameux communiqué de Deauville. Dans les deux cas la motivation est
louable : rendre soutenable la dette et éviter au contribuable de payer.
Dans les deux cas l’effet sur les marchés n’est pas anticipé. Avec un facteur
aggravant, l’Italie pèse davantage que la Grèce. Une crise partie d’Italie
serait autrement plus difficile à gérer.
Comme si cela ne suffisait
pas, côté allemand on propose également de transformer l’ESM, avec ses 500
milliards d’euros de force de frappe, en Fonds monétaire européen.
L’idée est de sortir du débat
politique le sauvetage des pays en difficulté pour le techniciser et éviter
ainsi les interminables Ecofin, les réunions du Conseil et autres sommets de la
dernière chance. Si ce FME était communautarisé, si donc les différents États
étaient privés de leur pouvoir de veto, si en particulier le Bundestag n’avait
plus son mot à dire, on pourrait saluer l’avancée communautaire. Mais tel n’est
pas le sens de la proposition Schaüble qui voit dans cette mesure un renforcement
des disciplines, une automaticité des dispositifs de conditionnalité tout en
laissant au Bundestag le soin de décider si oui ou non l’Allemagne apporte son
concours.
Pour parfaire l’édifice, côté
allemand on se veut coopératif pour l’achèvement de l’Union bancaire, on entend
renforcer les moyens du fonds de résolution en acceptant que l’ESM puisse
participer à une recapitalisation d’une banque en restructuration mais
seulement après que les banques aient purgé leurs mauvais risques et réduit
leur exposition aux dettes souveraines nationales. Les fonds de garantie
nationaux quant à eux ne pourraient être abondés par des fonds communautaires,
tout au plus pourraient-ils bénéficier de prêts. En somme la mutualisation du
risque n’est envisageable qu’après une très sensible réduction du risque. Un
groupe d’économistes franco-allemands va même plus loin puisqu’ils proposent
une « concentration charge » imposée aux banques qui feraient la part
trop belle à la détention de dettes souveraines de leurs pays[1].
L’Union bancaire, à laquelle
ont souscrit les autorités allemandes en 2012, est ainsi l’objet d’une
renégociation permanente pour éliminer l’aléa moral et interdire la formation
d’une union de transferts.
Les propositions des économistes italiens
Si le premier objectif de
toute réforme est de ne pas nuire, de ne pas aggraver la situation qu’on
prétend traiter, alors autant éviter ces réformes et se concentrer sur ce qui
peut être plus directement utile. C’est du reste la thèse d’économistes
italiens en réponse aux propositions des économistes franco-allemands[2].
Pour eux, l’enjeu est le risque de redénomination : c’est le sort de
l’euro qui serait en cause en cas de crise italienne. Multiplier les marques de
défiance à l’égard de la dette italienne et de la solidité des banques
italiennes pour calmer la peur allemande de l’aléa moral, c’est se tromper de
cible et donc de remède.
Parmi les mesures envisagées,
il en est d’autres qui, en théorie, peuvent faire la différence de manière plus
vertueuse.
La première consiste à
instaurer un budget Eurozone de 1 point de PIB pour inciter les pays en
transition à faire les réformes structurelles nécessaires, corriger les chocs
asymétriques en prévoyant par exemple un financement d’une partie de
l’indemnisation du chômage, et mener une politique contracyclique en cas de
choc symétrique.
Une seconde mesure consiste à
nommer un ministre en charge de l’Eurozone, qui présiderait l’Ecofin et qui
serait vice-président de la Commission pour prendre en charge la politique du
cœur de l’union. Sa légitimité démocratique serait renforcée par une
responsabilité devant le Parlement européen réuni en formation Euro.
Une troisième enfin porterait
sur les enjeux réels de la nouvelle donne géopolitique et géoéconomique en prévoyant
des réponses communes à l’Eurozone tant en matière de coopération militaire
(nouvelle génération d’armements, mutualisation des moyens, coopération sur les
terrains opérationnels en Afrique d’abord), industrielle (numérique, innovation
de rupture…), climatique (effort coordonné d’investissements en matière de
transition énergétique) que commerciale (résister à Trump et apporter une
réponse à la montée de courants hostiles au libre échange).
Ces propositions ont un triple
intérêt : relancer l’Eurozone, donner des moyens pour les nouvelles
politiques, inscrire dans les faits la géométrie variable. Cela les rend
inacceptables aux eurosceptiques avoués, aux défenseurs de l’illusion d’une
Europe des 28 marchant d’un même pas et aux allergiques à toute forme de
transfert.
Quel compromis?
Si le programme minimal est
dangereux et si le programme souhaitable est hors de portée, faut-il accepter
de différer les ambitions à plus tard ou travailler à un compromis ? Et,
si oui, lequel ?
Les économistes franco-allemands
cités plus haut considèrent qu’il faut trouver un compromis entre
responsabilité (réduction du risque) et solidarité (partage du risque).
Qui ne souscrirait à un accord
qui rassurerait les Allemands sur la prévention de l’aléa moral et les pays du
Sud sur la fin des politiques austéritaires qui cassent la politique du crédit
et zomibifient les banques ? Le problème est que l’échange est inégal car
les risques des dispositions sur la restructuration des dettes, les charges de
concentration, le nouveau FME, et le refus d’un budget conséquent de l’Eurozone
reprennent l’intégralité des demandes allemandes. Face à cela la capacité
budgétaire limitée consacrée notamment à la lutte contre un chômage de masse et
les progrès en matière d’union bancaire ne font pas le poids.
Les économistes
franco-allemands avancent un dernier argument qu’ils espèrent décisif : il
faut renoncer au Pacte de Stabilité et de croissance qui n’a jamais fonctionné
pour lui substituer une règle simple d’équilibre à moyen terme du solde budgétaire.
Tout dépassement pour les pays
dont la dette publique excède 60% du PIB doit se faire en dette junior donc à
un plus fort coût. Cette proposition est habile à de multiples titres :
elle prend acte du mauvais fonctionnement d’une règle qui a connu de multiples
dérogations, elle met l’accent sur l’appropriation nationale de la règle, elle
laisse subsister un flou sur la définition précise de l’objectif lui-même. Mais
elle ne règle en rien les objections déjà soulevées en cas de crise italienne.
Au-delà des questions techniques
Pour un dernier groupe
d’intervenants dans le débat public ces considérations techniques sur la
conditionnalité de l’aide, le fonctionnement du fonds de garantie ou
l’appropriation nationale de l’obligation d’équilibre budgétaire passent à côté
du double défi qu’affronte réellement la communauté à savoir la question
migratoire et la question démocratique. Ce sont ces questions qui nourrissent
la dynamique populiste s’étendant sur tout le territoire de l’Union[3].
S’il est vrai que le choc
migratoire et l’absence de solidarité européenne expliquent sans doute
largement le succès des populistes en Italie, il est moins évident que
l’absence d’instruction par le Parlement européen des plans d’aide passés à la
Grèce ou au Portugal aient eu des effets majeurs. Un Parlement Eurozone
n’aurait pu empêcher les plans d’ajustement structurel négociés avec la Troika.
Faut-il rappeler ici les rejets démocratiquement exprimés par le peuple grec,
sans effets sur la dureté des plans mis en œuvre?
Comme vient de le rappeler
dans une conférence récente Benoît Coeuré, il y a trois lignes de défense et de
relance de l’Euro et il ne faut ni les confondre ni en négliger l’une ou
l’autre.
La première est celle des
marchés. Elle passe par le rétablissement des conditions de fonctionnement du
système financier européen, ce qui suppose qu’on revienne sur la «nationalisation»
des systèmes de crédit, que les banques diversifient leurs actifs et que des
regroupements européens aient lieu; cela passe aussi par une union des marchés
de capitaux.
La deuxième ligne est celle de
la régulation et de la fourniture de liquidités en situation de tension
notamment: c’est le rôle qu’a joué la BCE. Mais la BCE n’a pas vocation à faire
la politique macroéconomique de l’Europe en gérant la demande globale. L’outil
budgétaire et fiscal doit prendre le relais. Benoît Coeuré rappelle ce faisant
la ligne Draghi selon laquelle la discipline budgétaire et les réformes
structurelles sont indispensables comme l’action contracyclique!
À ce stade il n’y a donc pas
de fenêtre d’opportunité pour faire passer un plan ambitieux de réforme et même
un plan franco-allemand plus limité mais réellement utile. Il faut donc
disposer d’un compas pour apprécier les tentatives de compromis qui ne
manqueront pas d’apparaître.
Le premier critère à
considérer est l’utilité des mesures envisagées. On l’a vu, certains projets
peuvent aggraver la situation sans bénéfice immédiat. Il vaut mieux donc y
renoncer. Surtout si, comme on l’entend ici ou là, dans le troc franco-allemand
UB + FME + Petit budget Européen + Réforme de l’IS il y a l’arrivée à la tête
de la BCE en 2019 du « faucon » allemand Jens Weidman.
Le deuxième critère doit être
celui qui permet de préserver l’avenir. On rangera dans cette catégorie les
mesures qui incitent à des comportements vertueux ou à l’appropriation par les
pays concernés de mesures qui leur sont utiles.
Le troisième critère doit
permettre de distinguer entre les mesures d’intérêt général et celles qui
confortent telle institution plutôt que telle autre. À cet égard donner aux 28
un droit de regard, voire de veto sur l’évolution de la zone euro alors que
certains pays ont clairement fait savoir qu’ils n’entendaient pas y participer
n’est pas justifié. Autant là aussi renoncer à des réformes qui empêchent la
mise en œuvre de la géométrie variable.
Enfin, l’Europe a besoin de
manifestations de cohésion et de solidarité en matière commerciale face à
Trump, sur les réfugiés avec la renégociation de la Convention de Dublin, sur
le numérique avec des coalitions de volontaires, sur la Défense avec une mise
en commun plus poussée des moyens. À défaut d’accords larges, pourquoi ne pas
envisager des coalition of the willing?
[1]
A. Benassy-Quéré et alii, «Reconciling Risk sharing with market discipline: a
constructive approach to Eurozone Reform» CEPR, n° 91.
[2]
M. Messori and S. Micossi, «Counterproductive
proposals on Euro Area Reform by French and German Economists», CEPS n°
2018/04.
[3]
Benoit Coeuré, «The euro area’s three lines of defence», speech at the
conference «Deepening of EU», Ljubljana
2 February 2018.
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